Ayse et Nazou, Européennes depuis toujours.
La première enseigne le turc, la seconde est traductrice.
Les deux femmes, mariées à des Français, se sont retrouvées
pour le déjeuner, près du lycée rennais[1]
de Bréquigny. « Les discussions sur l'adhésion de la
Turquie à l'Europe ? Normal : la démocratie s'exprime. »
Ayse et son amie Nazou démontent[2]
les « faux débats » autour de leur pays natal.
Géographiquement éloigné de l'Europe ? « Il faut réviser
son histoire-géo ! Et Chypre, plus à l'Est et déjà dans
l'Union ? » La Turquie est « un pont »
dont il faut à leur sens[3]
« profiter ».
Sa religion effraie ? « Il vaut mieux prendre la
Turquie à majorité musulmane avec vous, comme une force, que
l'écarter. Du reste, la laïcité y est très ancrée[4].
»
De l'AKP, parti au pouvoir, qui se réclame d'un Islam
modéré, Nazou dit qu'elle s'est défiée
([5])
au début. Mais elle fait confiance « au bon sens »
des Turcs, « qui ont voté pour lui par ras-le-bol
[6]
des gouvernements précédents ».
De fait, elle se réjouit
[7]
d'avoir vu ce bon sens manifester sa vitalité contre le
récent projet de pénalisation de l'adultère. Les droits des
femmes ? Réponse mutine[8]:
« Les Turques ont obtenu celui de voter avant les
Françaises, non ? » Le voile ? Nazou souligne la
diversité vestimentaire de la rue. Y compris[9]
en campagne. « Français et Allemands ont une image
faussée de la Turquie, basée sur celle des communautés en
exil. Qui choisissent le repli[10]
en réaction contre le rejet. »
Elle insiste sur sa « modernité ». Derrière la
crainte d'une « 'sur-représentation' de la Turquie au
Parlement européen, liée à son peuplement », Ayse note[11]
tristement un « soupçon de racisme ». Mais elle
croit l'adhésion possible, comme Naz, pourtant si critique
envers " l'Europe des patrons ». Culturellement
parlant, on ne peut qu'enrichir l'Europe, conclut Ayse.
Trois responsables au Centre culturel turc.
Changement de décor. Le Centre culturel des travailleurs
turcs, au sud de la ville. Sous les drapeaux turcs et
français : Metin Sahin, Muhlis Cevik et Alim Aydin,
président, vice-président et secrétaire général de
l'Association des travailleurs turcs de Rennes. Le premier
est interprète au tribunal, le second commerçant, le
troisième surveillant de travaux. L'Europe, ils l'attendent
avec un mélange d'impatience... et d'amertume
[12]:
« La Turquie est le seul pays qui passe ainsi en
jugement. La Pologne, la Roumanie, la Bulgarie, ne sont pas
économiquement plus avancées. On ne comprend pas pourquoi
la France est si réticente à notre entrée dans l'Union.
Combien de fois devra-t-on encore baisser la tête ? »
[1]
de la ville de Rennes, en Bretagne
[2]
mettent en évidence pour récuser
[5]
elle n'avait pas confiance
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