Haro sur les antibiotiques (contre)
par Vincent Olivier
Les Français consomment trop de ces médicaments. Mais en
mobilisant patients et médecins, on peut arriver à changer
les comportements
Champions du monde! Oui, les Français sont champions du
monde. De consommation d'antibiotiques! Champions
également pour le taux de résistance à ces médicaments -
mais ceci explique cela. Aujourd'hui, en effet, 30% des
germes dits «à pneumocoques» sont devenus résistants et
15% d'entre eux présentent une sensibilité amoindrie à la
pénicilline. Soit, au total, près d'un germe sur deux,
quand la Belgique ne dépasse pas les 15%, le Royaume-Uni
7% et l'Allemagne 4% à peine. Cherchez l'erreur.
La faute à qui? Selon les médecins, la pression viendrait
de la famille, excessivement inquiète et demandeuse de
pilules en tout genre. De leur côté, les parents
incriminent (accusent) la crèche, qui exigerait une
ordonnance avant de réintégrer l'enfant. Quant à la
crèche, elle invoque, elle, la nécessité d'éviter que les
tout-petits se contaminent les uns les autres. Résultat:
80 millions de traitements prescrits chaque année et, en
dix ans, une consommation multipliée par deux chez les
enfants, selon le Dr Pierre Dellamonica, chef de service
d'infectiologie au CHU (Centre hôspitalier) de Nice. Au
point que, à eux seuls, les moins de 6 ans représentent un
quart de la consommation totale d'antibiotiques en France!
Dans la majorité des cas, ces traitements sont
parfaitement inutiles, puisque la plupart des rhumes et
autres maux de gorge sont d'origine virale et que les
antibiotiques combattent les microbes, pas les virus!
Bref, à entendre les uns et les autres, ce serait la faute
à tout le monde. Autant dire à personne.
L'assurance-maladie, elle, a pensé le contraire. Depuis
deux ans, elle a donc décidé de faire évoluer les
mentalités. Toutes les mentalités. Premier temps: on lance
une campagne de communication grand public sur le thème
«Les antibiotiques, c'est pas automatique». Et ça marche:
les Français ne sont plus «que» 24% à penser qu'ils sont
efficaces pour soigner les angines, contre 42% auparavant.
Deuxième temps: on multiplie tables rondes et entretiens
avec médecins et responsables de crèches. Avec succès là
encore, puisque 60% des praticiens disent que leur
attitude a évolué. Troisième temps: on met à disposition
des pédiatres et des généralistes des tests de détection
rapide (à partir d'un prélèvement dans la gorge du
patient) qui permettent, en quelques minutes, de vérifier
si l'angine est d'origine virale ou non. Et, donc, de
proposer un traitement adapté. Résultat: une baisse nette
(- 10%) de la consommation d'antibiotiques dès l'année
2003. Une baisse qui, mieux encore, s'est confirmée durant
l'hiver dernier, selon les chiffres que la Cnam rendra
publics le 19 octobre. Preuve que les comportements
peuvent changer. Si l'on s'en donne les moyens.
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